Du 19 juin au 5 juillet 1701, environs d'Erzurum
Le comble de ce dôme aboutit en pointe, ou en cône gauderonné comme un parapluie à demi ouvert. Monastère rouge : Église de la Sainte-Mère Dieu et cour intérieure (CPA, M.P.). Environs de Tortum.
Les forêts en sont bannies pour le reste des siècles, cependant le paysage est agréable. Environs de Tortum, juillet 2025.
Nous eûmes le plaisir de procéder à la nomination d'un des plus beaux genres de plantes qu'il y ait dans tout le Levant ; aussi lui donnâmes-nous le nom d'une personne fort estimable par la science et par sa vertu. C'est Mr Morin de l'Académie Royale des Sciences. Morina persica, Gulcimen (Turquie), avril 2025.
(précédemment).
" Le 19 juin, nous partîmes pour visiter les montagnes qui sont à l’Est de la ville. À peine la neige y était fondue, et nous campâmes (...) dans un pays si tardif que les plantes ne commençaient qu'à pousser, et les collines n'étaient encore couvertes que de gazon ; il est malaisé de rendre compte de la paresse, s'il faut ainsi dire, de cette terre. Nous couchâmes (...) dans une vallée dont les chaumières sont plus écartées les unes des autres que les bastides de Marseille (...). Le 20 juin après avoir herborisé, quoique avec peu de profit à cause du froid qui ne permettait pas à la terre de pousser, nous prrîmes le parti de nous rapprocher d'Erzeron par une route différente de celle que nous avions tenue. Nous allâmes voir un ancien monastère d’Arméniens, lequel n’est qu’à une journée de cette ville & qui porte le nom de Saint Grégoire. Toute la campagne est découverte et l’on ne voit pas la moindre broussaille dans tout le terrain que la vue peut découvrir. Ce monastère est assez riche, mais j’aimerais autant habiter au pied du mont Caucase, car il ne saurait être plus froid.(…) Nous allâmes coucher ce même jour à un autre monastère d’Arméniens, appelé le monastère rouge parce que le dôme, qui est fait en lanterne sourde, est barbouillé de rouge. Je ne saurais trouver de comparaison plus juste car le comble de ce dôme aboutit en pointe, ou en cône gauderonné comme un parapluie à demi ouvert.
Nous partîmes le 22 juin à trois heures (…). Nous entrâmes dans de belles vallées, où l’Euphrate serpente parmi des plantes merveilleuses et nous fûmes charmés d’y trouver cette belle espèce de Pimprenelle à fleur rouge [Sanguisorba officinalis L.], qui fait un des principaux ornements des jardins de Paris & que l’on a apporté depuis longtemps de Canada en France (…).Ce qui nous fit plus de plaisir, c'est que les plantes y étaient avancées, et nous nous flattions de les trouver en bon état dans la montagne, mais à mesure que nous montions, nous ne découvrions que pelouse et neige. Les forêts en sont bannies pour le reste des siècles, cependant le paysage est agréable, et les ruisseaux qui tombent de tous côtés font un spectacle divertissant (...).
Nous observâmes aux environs de cette ville une très belle espèce de Pavot [Papaver orientale L.] que les Turcs et les Arméniens appellent Aphion, de même que l’Opium commun ; cependant ils ne tirent pas d’Opium de l’espèce dont nous parlons, mais par ragoût ils en mangent les têtes encore vertes, quoiqu’elles soient fort âcres et d’un goût brûlant
Nous retournâmes le 24 juin à Erzeron.
Pendant qu'on travaillait à nos ballots, nous herborisions souvent avec plaisir, surtout dans la vallée des Quarantes moulins qui est à une promenade de la ville, à l'entrée de deux montagnes fort escarpées, d'où coulent plusieurs belles sources qui forment un ruisseau considérable. Non seulement ce ruisseau fait moudre plusieurs moulins, mais il arrose encore une partie de la campagne jusqu'à la ville. Nous eûmes le plaisir de procéder dans un de ces moulins à la nomination d'un des plus beaux genres de plantes qu'il y ait dans tout le Levant [Morina] ; aussi lui donnâmes-nous le nom d'une personne fort estimable par la science et par sa vertu. C'est Mr Morin de l'Académie Royale des Sciences, docteur en médecine de la Faculté de Paris, qui par un bonheur singulier a élevé cette plante, de graine, dans son jardin de l'abbaye de S. Victor, je dis par un bonheur singulier, car elle n'a pas levé au Jardin du Roy, ni dans quelques autres jardins où je l'avais fait semer. Il semble qu'elle soit glorieuse de porter le nom de Mr Morin, qui a toujours aimé et cultivé la botanique avec passion.
Nous partîmes d’Erzeron le 6 juillet pour Teflis". TOURNEFORT 1717.




